L’identité de l’Europe / Chantal Delsol et JFrançois Mattéi
L’identité de l’Europe. Chantal Delsol et JFrançois Mattéi (sous la direction de),Paris, PUF, Collection «Intervention philosophique », 2010, 192 pp.
Cet ouvrage collectif, sous la direction de Chantal Delsol, professeur de philosophie à l’Université Paris-Est, membre de l’Institut, auteur d’ouvrages de philosophie, d’essais et de romans et de Jean-François Mattéi est membre de l’Institut, professeur émérite de l’Université de Nice-Sophia Antipolis, et professeur de philosophie politique à l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence, offre une pléiade de définitions sur l’identité européenne.
« Les auteurs, tous spécialistes des questions historiques, politiques et culturelles », comme l’explique Chantal Delsol dans son introduction, « ont voulu contribuer à un recentrage philosophique de l’idée de l’Europe », estimant que l’Europe ne peut se résumer dans son projet universel. Nier son identité, pour quelque raison que ce soit (peur de la notion même d’identité ou séquelles de la seconde guerre mondiale) serait une grave erreur, à la fois puérile et naïve. D’autre part, cela reviendrait à ôter tout contenu à l’idée d’Europe : « Parler de son identité serait une illusion rétrospective ou le masque d’un colonialisme culturel plus pernicieux que celui du passé ». Enfin, estiment les auteurs, si l’Europe n’ose plus se réclamer de sa culture en abdiquant son origine et son destin, elle se dissoudra sans voir qu’elle se prive tout simplement de sa présence au monde : « A trop sacrifier à un esprit critique qui faisait, avec son originalité, sa légitimité, l’Europe est victime de ses propres démons ? Après avoir cru être tout, et pour cela se détestant elle-même, elle croit maintenant n’être rien ? Une illusion nouvelle, il est vrai, peut chasser une illusion passée : elle n’en demeure pas moins étrangère à la vérité ».
Les différents textes, composant huit chapitres, mêlent vision politique, aspect historique et questionnement sur le rôle de la religion, en s’interrogeant à la fois sur « les racines chrétiennes de l’Europe » (Philippe Nemo) que sur l’Islam, « au coeur d’une crise identitaire européenne ? » dans un très beau texte appelant à la tolérance (Mezri Haddad).
Gérard-François Dumont et Alain Besançon s’interrogent sur les limites géographiques de l’Europe et ses frontières. Le premier s’intéresse à la notion de continent et sur sa spécificité péninsulaire: « L’Europe apparaît comme un ensemble péninsulaire et insulaire situé sur la façade orientale tempérée de l’océan Atlantique Nord, ensemble dont la partie péninsulaire constitue l’extrémité occidentale du continent eurasiatique. Une telle définition de l’Europe formulée par l’océan et non au continent permet d’insister sur l’importance de l’influence climatique exercée par celui-là sur l’ensemble des régions européennes ». Le second s’attache à une perspective plus historico-culturelle.
Joana Nowicki évoque l’identité de l’Europe cadette, regroupant « un maximum de diversité sur un minimum d’espace, ce qui est l’inverse de la logique des empires » et attestant ainsi d’une « européanité différente », paradoxalement sans doute plus affirmée et « plus sereine ».
André Reszler, quant à lui, entreprend une « esquisse historique de l’identité européenne », évoquant l’influence des grecque, romaine, celtique, germanique et slave sans oublier « le christianisme qui leur a servi de creuset ».
Jacques Dewitte nous entraîne dans son questionnement : « quel est l’état actuel de l’Europe, d’un point de vue moral et spirituel ? » Et nous rappelle que sa principale caractéristique à travers les siècles est sa capacité « à inverser la perspective ethnocentrique, à comprendre du point de vue des autres, en allant parfois jusqu’à l’adopter, et une disposition à se voir du dehors avec les yeux des autres ».
Enfin, J-F Mattéi évoque enfin la négation de l’identité européenne. « A trop sacrifier à un esprit critique qui faisait, avec son originalité, sa légitimité, l’Europe est victime des se propres démons. Après avoir cru être tout, (…) elle croit maintenant n’être rien. Une illusion nouvelle, il est vrai, peut chasser une illusion passée : elle n’en demeure pas moins étrangère à la vérité ».
Aude Jehan